Pourquoi la diaspora africaine a peur d’investir en Afrique (et comment dépasser ce blocage)

Je vais être directe : oui, beaucoup de membres de la diaspora africaine ont peur d’investir en Afrique. Et cette peur, je la comprends. Je l’ai vécue moi aussi. On n’en parle pas souvent, mais elle est bien réelle, bien ancrée. Et si on ne la reconnaît pas, elle nous bloque pour longtemps.

Aujourd’hui, j’ai envie de poser les choses clairement. Parce que cette peur n’est pas une fatalité. Mais elle ne se surmonte pas toute seule non plus. Elle demande de la lucidité, de l’organisation… et un vrai changement de posture.

1. Ce que les étrangers n’ont pas… et que nous portons

On compare souvent la diaspora aux étrangers qui investissent en Afrique. Les Chinois, les Libanais, les Européens. On se demande pourquoi eux, ils n’ont pas peur. Pourquoi ils osent. Pourquoi ils avancent, pendant que nous, on réfléchit encore.

Mais la vérité, c’est qu’ils ne partent pas avec les mêmes bagages.
Eux, ils n’ont pas dix personnes qui comptent sur eux dès qu’ils mettent un pied au pays.
Ils n’ont pas à gérer en même temps les factures de leur vie en Occident et les besoins quotidiens de leurs proches en Afrique.
Ils viennent, ils investissent, ils testent, ils se trompent parfois, mais ils avancent.

Nous, on arrive souvent avec un sac invisible rempli de responsabilités.

2. La pression familiale : un frein silencieux mais puissant

Quand tu fais partie de la diaspora africaine, tu es rarement seul dans ton projet.
Tu es le soutien de ta famille restée au pays.
Tu es le parent de substitution, le garant, le pilier.
Et ça, ce n’est pas symbolique : c’est concret. Argent, logement, scolarité, santé…

Et plus encore : quand tu rentres au pays, cette pression double.
Parce que maintenant, tu es là. Donc on pense que tu peux faire plus.
Et tu le veux aussi, au fond. Mais ton projet passe au second plan.
Tu n’as plus le temps, plus l’énergie, plus les moyens.

Résultat : tu n’oses pas investir. Parce que tu sais que si tu tombes, tout le monde tombe avec toi.

3. On ne sait pas poser nos limites (et on ne nous a pas appris)

La difficulté, ce n’est pas seulement la pression familiale. C’est aussi que nous n’avons pas appris à dire non.
On a grandi avec des valeurs fortes de solidarité, de respect des aînés, d’entraide.
Mais très souvent, on a confondu aider les autres et s’oublier soi-même.

Investir, c’est poser un cadre. C’est dire : « Je t’aiderai, mais d’abord je construis quelque chose. Et ensuite, je pourrai aider plus et mieux. »

Mais ça, on ne nous l’a pas enseigné. On ne l’a pas vu. Et on culpabilise dès qu’on le fait.

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4. L’absence de modèles familiaux : un autre mur invisible

Autre réalité qu’on oublie souvent : ceux qui réussissent en Afrique ont souvent grandi avec un modèle.
Leur père était commerçant. Leur grand-père possédait des terres.
Ils ont vu ce que c’était que de gérer un business, prendre des risques, investir.

Nous, non.
Nous, on est partis. Pas pour le plaisir. Pas pour le luxe. Mais parce qu’on n’avait rien à quoi s’accrocher.
On n’est pas la génération qui a hérité : on est la génération qui doit tout construire.
Et c’est dur. Surtout quand tu es seul à porter le rêve.

5. Il y a aussi une réalité qu’on n’ose pas dire : la jalousie silencieuse

Quand tu viens de la diaspora et que tu commences à réussir, tout le monde ne se réjouit pas.

Même dans ta propre famille, dans ton propre village, la réussite peut réveiller des tensions invisibles.
Tu arrives, tu lances un projet, tu es méthodique, tu avances…
Et face à toi, des gens qui sont restés au pays, qui ont galéré pendant des années sans jamais voir le bout.

Ta réussite peut devenir un miroir de leur échec, même si ce n’est pas ton intention.

Et cette jalousie-là, elle n’est pas toujours directe.
Elle se glisse dans des petites remarques.
Des retards dans l’exécution.
Des sabotages discrets.
Des incompréhensions.
Des gens qui ne te disent pas tout, ou qui refusent de t’aider parce que “tu veux te la jouer”.

Les investisseurs étrangers ne vivent jamais ça.
Personne ne les compare à l’oncle du village.
Personne ne leur dit : “Tu crois que tu es mieux que nous ?”
Parce qu’eux, ils arrivent de l’extérieur, sans lien affectif, sans rivalité familiale.

6. Est-ce une excuse pour ne rien faire ? Certainement pas.

Cette peur, elle est légitime. Mais elle ne peut pas devenir une excuse.
Sinon, on n’avancera jamais. On restera toujours dans le discours :
« Je vais investir un jour. Quand j’aurai assez. Quand tout sera prêt. »
Mais ce jour-là n’arrive jamais si on ne le provoque pas.

Ce qu’il faut, c’est reprendre le pouvoir sur son projet.
Même petit. Même avec peu.
Mais en se donnant enfin le droit de dire :
« Mon projet passe en premier. Parce que c’est lui qui va me permettre d’aider vraiment, sur le long terme. »

7. Ce que j’ai décidé de faire

Je ne suis pas née dans une famille d’entrepreneurs.
Je n’ai pas eu un capital de départ. Je n’ai pas eu de terre, ni de réseau.
Mais j’ai décidé que ça n’allait plus m’arrêter.

J’ai appris à dire non.
J’ai appris à poser un cadre : voici mon projet, voici mes objectifs, voici ma méthode.
J’ai appris à dire : « Je ne peux pas tout faire. Mais si vous me laissez construire, demain je pourrai faire plus. »

Et petit à petit, ça change. Parce qu’un projet clair, assumé, visible, ça finit par se faire respecter.

Conclusion

Les étrangers n’ont pas nos freins. Mais nous, on a quelque chose qu’ils n’auront jamais : l’amour de cette terre, le lien du sang, le cœur.
À nous de transformer cet amour en force. Pas en sacrifice.

Ce ne sera pas facile. Mais c’est possible.
Il faut juste qu’on apprenne à nous choisir. Pour mieux bâtir. Pour mieux donner. Pour ne plus subir.

💬 Et toi, est-ce que tu arrives à mettre ton projet en priorité… ou est-ce que la peur te fait reculer ?

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